Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
    208    

Et je répondis : « Ma parole n’a pas encore déplacé de montagnes et ce que j’ai dit n’a pas atteint les hommes. Il est vrai que je suis allé chez les hommes, mais je ne les ai pas encore atteints. »

Alors on me dit de nouveau sans voix : « Qu’en sais-tu ? La rosée tombe sur l’herbe au moment le plus silencieux de la nuit. » —

Et je répondis : « Ils se sont moqués de moi lorsque j’ai découvert et suivi ma propre voie ; et en vérité mes pieds tremblaient alors. »

Et ils m’ont dit ceci : tu ne sais plus le chemin, et maintenant tu ne sais même plus marcher ! »

Alors on me dit de nouveau sans voix : « Qu’importent leurs moqueries ! Tu es quelqu’un qui a désappris d’obéir : maintenant tu dois commander.

Ne sais-tu pas quel est celui dont tous ont le plus besoin ? Celui qui ordonne les grandes choses.

Accomplir de grandes choses est difficile : mais ce qu’il y a de plus difficile encore, c’est d’ordonner de grandes choses.

C’est ce qu’il y a chez toi plus impardonnable : tu as la puissance et tu ne veux pas régner. » —

Et je répondis : « Il me manque la voix du lion pour commander. »

Alors l’Autre me dit encore comme en un murmure : "Ce sont les paroles les plus silencieuses qui apportent la tempête. Ce sont les pensées qui viennent avec des pieds de colombes qui dirigent le monde.