Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
    389    

Mais, en s’endormant, Zarathoustra parla ainsi à son cœur :

Silence ! Silence ! Le monde ne vient-il pas de s’accomplir ? Que m’arrive-t-il donc ?

Comme un vent délicieux danse invisiblement sur les paillettes de la mer, léger, léger comme une plume : ainsi — le sommeil danse sur moi.

Il ne me ferme pas les yeux, il laisse mon âme en éveil. Il est léger, en vérité, léger comme une plume.

Il me persuade, je ne sais comment ? il me touche intérieurement d’une main caressante, il me fait violence. Oui, il me fait violence, en sorte que mon âme s’élargit : —

— comme elle s’allonge fatiguée, mon âme singulière. Le soir d’un septième jour est-il venu pour elle en plein midi ? A-t-elle erré trop longtemps déjà, bienheureuse, parmi les choses bonnes et mûres ?

Elle s’allonge, longuement, — toujours plus en long ! elle est couchée tranquille, mon âme singulière. Elle a goûté trop de bonnes choses déjà, cette tristesse dorée l’oppresse, elle fait la grimace.

— Comme une barque qui est entrée dans sa baie la plus calme : — elle s’adosse maintenant à la terre, fatiguée des longs voyages et des mers incertaines. La terre n’est-elle pas plus fidèle ?

Comme une de ces barques se couche et se presse contre la terre : — car alors il suffit qu’une araignée tisse son fil de la terre jusqu’à elle. Il n’est pas besoin ici de corde plus forte.

Comme une de ces barques fatiguées, dans la baie la plus calme : ainsi, moi aussi, je repose maintenant près de la