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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA


21.


J’aime les braves : mais il ne suffit pas d’être bon sabreur, — il faut aussi savoir qui l’on frappe !

Et souvent il y a plus de bravoure à s’abstenir et à passer : afin de se réserver pour un ennemi plus digne !

Vous ne devez avoir que des ennemis dignes de haine, mais point d’ennemis dignes de mépris : il faut que vous soyez fiers de votre ennemi : c’est ce que j’ai enseigné une fois déjà.

Il faut vous réserver pour un ennemi plus digne, ô mes amis : c’est pourquoi il y en a beaucoup devant lesquels il faut passer, —

— surtout devant la canaille nombreuse qui vous fait du tapage à l’oreille en vous parlant du peuple et des nations.

Gardez vos yeux de leur « pour » et de leur « contre » ! Il y a là beaucoup de justice et d’injustice : celui qui est spectateur se fâche.

Être spectateur et frapper dans la masse — c’est l’œuvre d’un instant : c’est pourquoi allez-vous-en dans les forêts et laissez reposer votre épée !

Suivez vos chemins ! Et laissez les peuples et les nations suivre les leurs ! — des chemins obscurs, en vérité, où nul espoir ne scintille plus !

Que l’épicier règne, là où tout ce qui brille — n’est plus qu’or d’épicier ! Ce n’est plus le temps