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AVANT-PROPOS



1.

Dans ce livre on trouvera au travail un homme « souterrain », un homme qui perce, creuse et ronge. On verra, en admettant que l’on ait des yeux pour un tel travail des profondeurs ─, comme il s’avance lentement, avec circonspection et une douce inflexibilité, sans que l’on devine trop la misère qu’apporte avec elle toute longue privation d’air et de lumière ; on pourrait presque le croire heureux de son travail obscur. Ne semble-t-il pas que quelque foi le conduise, que quelque consolation le dédommage ? Qu’il veuille peut-être avoir une longue obscurité pour lui, des choses qui lui soient propres, des choses incompréhensibles, cachées, énigmatiques, parce qu’il sait ce qu’il aura en retour : son matin à lui, sa propre rédemption, sa propre aurore ?… Certainement, il reviendra : ne lui demandez pas ce qu’il veut là en bas, il finira bien par vous le dire lui-même, ce Trophonios, cet homme d’apparence souterraine, dès qu’il se sera de nouveau « fait homme ». On désapprend foncièrement de se taire lorsque l’on a été taupe aussi longtemps que lui, seul aussi longtemps que lui. ─ ─