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NOTES POUR LE « CAS WAGNER »

(1885-1888)

Le « problème Wagner » ne cessa d’intéresser Nietzsche pendant les dernières années de sa vie intellectuelle. Il le confondait avec le « problème de la modernité », un de ceux auxquels il a le plus réfléchi, et comme son amitié pour le génial compositeur resta, malgré la séparation, l’événement important de toute son existence, ce fut sur la personne de l’œuvre et sur Wagner qu’il exerça le plus volontiers ses facultés critiques. Nous l’avons vu juger sévèrement le musicien, avant même que d’écrire son apologie. Séparé de Wagner, quand la publication d’Humain, trop humain eut rendu toute communion impossible, il n’en resta pas moins préoccupé sans cesse de ce qui touchait aux idées du maître. N’appartenaient-ils pas tous deux à la même sphère intellectuelle, n’avaient-ils, pas les mêmes amis, les mêmes disciples ? Ce fut, entre les deux hommes, pendant quelques années, une véritable lutte d’influences, où celle de Wagner devait finir par triompher.

Par toutes les fibres de son cœur, nonobstant les réserves que lui commandait son intelligence, Nietzsche tenait à Bayreuth. Il avait trop sacrifié au culte qu’il poursuivait maintenant de sa haine pour n’en pas conserver une profonde, une inguérissable blessure. Le romantisme, le christianisme, ces deux maladies dont souffre l’homme moderne, il avait pu en faire le diagnostic en s’étudiant lui-même, avant d’étudier Wagner. Dans la fureur qu’il mit à les combattre, on devine une secrète affinité dont sa négation même affirme la puissance. Nietzsche avait pu renier Wagner, mais le « problème Wagner » resta pour lui le plus intéressant des problèmes.

Zarathoustra fourmille de passages où le philosophe chante sa libération, et dans tous les volumes d’aphorismes on retrouvera des