Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/185

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de chercher la connaissance « pure et sans conséquence », ou, plus exactement, la vérité qui n’aboutit à rien. Il y a beaucoup de vérités indifférentes ; il y a des problèmes auxquels on peut trouver une solution juste, sans qu’il y ait besoin de victoire sur soi-même, à plus forte raison de sacrifice. Dans ce domaine indifférent et sans danger, il sera peut-être aisé, pour un homme, de devenir un froid démon de la connaissance. Et pourtant ! Quand, à des époques particulièrement favorisées, des cohortes entières de savants et de chercheurs sont transformées en de semblables démons, il reste néanmoins malheureusement possible que de telles époques soient privées du sévère et magnifique esprit de justice, c’est-à-dire du plus noble germe de ce que l’on appelle instinct de vérité.

Qu’on se représente dès lors l’historien virtuose de l’époque présente. Est-il l’homme le plus juste de son époque ? Certes, il a développé en lui une telle subtilité, une telle irritabilité du sentiment que rien d’humain ne lui demeure étranger. Les époques et les personnes les plus différentes font vibrer immédiatement sa lyre en des sons analogues. Il est devenu un écho passif qui, par son résonnement, éveille d’autres échos passifs, jusqu’à ce que toute l’atmosphère d’une époque soit remplie de l’entrecroisement subtil de pareils échos. Il me semble pourtant que l’on n’entend plus, si je puis m’exprimer ainsi, que les notes hautes, dans les