Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/193

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tait et devient parfaitement imperceptible. Alors on cherche à faire montre de tout ce qui n’émeut point et le mot le plus sec paraît être le bon. On va même jusqu’à croire que celui qu’un moment du passé ne regarde en rien est précisément appelé à présenter ce moment. C’est le rapport qu’occupent souvent, les uns vis-à-vis des autres, les philologues et les Grecs : ils ne se regardent en rien. On appelle alors cela de l’ « objectivité ». Or, quand c’est ce qu’il y a de plus élevé et de plus rare qui doit être exposé, l’indifférence étalée avec intention, l’argumentation volontairement plate et sèche, sont d’autant plus révoltantes, surtout quand c’est la vanité de l’historien qui pousse à cette impassibilité aux allures objectives. Du reste, en face de pareils auteurs, il importe de motiver son jugement selon le principe que la vanité chez l’homme est en raison inverse de sa raison.

Non, ayez au moins de la probité ! Ne cherchez pas à donner le change en vous efforçant de créer l’apparence de la justice quand vous n’êtes pas prédestinés à la terrible vocation du juste. Comme si l’obligation de la justice envers toutes choses était la tâche de toutes les époques ! On peut même affirmer que les époques et les générations n’ont jamais le droit de s’ériger en juges sur toutes les époques et toutes les générations antérieures. Des individus seuls, et parmi eux les plus rares, peuvent accomplir cette mission ingrate. Qui donc