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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

nes, par exemple l’allemande, aurait-elle été capable de trouver elle-même, peu à peu, une culture supérieure, une culture nouvelle qui lui eût été propre ? — une culture dont, par conséquent, l’idée la plus lointaine aura été perdue pour l’humanité ? — Il en est donc ici comme de partout : on ne sait, pour parler à la manière chrétienne, si Dieu doit avoir plus de reconnaissance à l’égard du diable, ou le diable plus de reconnaissance à l’égard de Dieu, de ce que tout se soit ainsi passé.

225.

La foi sauve et damne. — Un chrétien qui s’égare dans des raisonnements interdits pourrait bien se demander une fois : est-il donc bien nécessaire qu’il y ait réellement un Dieu, et aussi un Agneau qui porte les péchés des hommes, si la foi en l’existence de pareils êtres suffit déjà pour produire le même effet ? Ne sont-ce pas là des êtres superflus pour le cas où ils existeraient vraiment ? Car tout ce que la religion chrétienne donne à l’âme humaine de bienfaisant, qui console et rend meilleur, comme tout ce qui assombrit et écrase, provient de cette croyance et non point de l’objet de cette croyance. Il n’en est pas autrement ici que de ce cas célèbre : On peut affirmer qu’il n’y a jamais eu de sorcières, mais les terribles résultats de la croyance en la sorcellerie ont été les mêmes que s’il y avait vraiment eu des sorcières. Pour toutes les occasions où le chrétien attend l’intervention d’un Dieu, mais l’attend vainement — parce qu’il n’y a point de Dieu —, sa religion est