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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



50.

Compassion et mépris. — Manifester de la compassion, c’est regardé comme un signe de mépris, car on a visiblement cessé d’être un objet de crainte, dès que l’on vous témoigne de la compassion. On est alors tombé au-dessous de l’équilibre, tandis qu’en réalité ce niveau ne suffit point à la vanité humaine et que seule la prépondérance et la crainte que l’on inspire procurent à l’âme le sentiment le plus désiré. C’est pourquoi il faut se poser le problème de savoir comment est née l’évaluation de la pitié et comment il faut expliquer les louanges que l’on prodigue maintenant au désintéressement : dans l’état primitif on méprise le désintéressement ou l’on en craint les embûches.

51.

Savoir être petit. — Près des fleurs, des herbes et des papillons il faut savoir s’abaisser à la hauteur d’un enfant qui les dépasse à peine. Mais nous autres gens âgés, nous avons grandi au-dessus de ces choses et il nous faut nous courber jusqu’à elles ; je crois que les herbes nous haïssent lorsque nous avouons l’amour que nous avons pour elles. — Celui qui veut prendre part à toutes les bonnes choses doit aussi s’entendre à avoir des heures où il est petit.

52.

L’image de la conscience. — L’image de notre conscience est la seule chose qui, pendant les années