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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

lorsque l’on a accouplé l’Espagnol, le Turc et l’Antiquité grecque, pour faire étalage des belles chairs, on finit par découvrir toujours à nouveau que l’on n’a pas su agir au mieux de ses intérêts, et que, pour faire impression sur les hommes, le jeu de cache-cache avec les beautés du corps est plus heureux que la probité nue ou demi-nue ; et dès lors la roue du bon goût et de la vanité recommence encore une fois à tourner dans le sens inverse : les jeunes femmes un peu plus âgées trouvent que leur règne est venu et la lutte des êtres les plus gracieux et les plus absurdes recommence de plus belle. Mais plus se développe la personnalité des femmes qui dès lors n’accordent plus la prééminence parmi elles à des personnes qui n’ont pas atteint leur maturité, plus deviennent faibles ces oscillations dans le costume, plus leurs toilettes deviennent simples. Il est évident que l’on n’a pas le droit d’émettre un jugement sur ces toilettes en s’inspirant des modèles antiques, on ne peut donc pas prendre comme mesure le vêtement des habitants des côtes méridionales, mais il faut considérer les conditions climatériques des régions moyennes et septentrionales, de celles où le génie inventif de l’Europe, pour ce qui concerne les formes et les idées, a sa plus chère patrie. — Dans l’ensemble, ce ne sera donc pas le changement qui caractérisera la mode et la modernité, car le changement est quelque chose de rétrograde et désigne les Européens, hommes et femmes, qui ne sont pas encore parvenus à leur maturité : ce sera bien au contraire la négation de tout ce qui est vanité nationale, vanité de la