irresponsabilité de la volonté. Les cerveaux philosophiques se distingueront donc des autres par leur incrédulité pour ce qui en est de la signification métaphysique de la morale : et cela créerait un gouffre profond et infranchissable qui ne ressemblerait en rien à celui qui sépare les « gens instruits » des « ignorants » et dont on se plaint tant de nos jours. Il est vrai qu’il faudra que l’on reconnaisse encore pour inutiles maintes portes de sortie que se sont ménagées à eux-mêmes des « cerveaux philosophiques » comme Schopenhauer : aucune de ces portes ne mène au grand air, dans l’atmosphère du libre arbitre ; chacune de celles par où l’on s’est échappé jusqu’à présent, s’ouvre sur un espace fermé : le mur d’airain de la fatalité : nous sommes en prison, nous ne pouvons que nous rêver libres et non point nous rendre libres. On ne pourra plus résister longtemps à cette certitude, les attitudes désespérées et incroyables de ceux qui l’attaquent et font de vaines contorsions pour continuer la lutte le démontrent. — Voilà, à peu près, ce qui se passe maintenant dans leur esprit : « Personne ne serait responsable ? Et partout il y a le péché et le sentiment du péché ? Mais il faut bien que quelqu’un soit le pécheur : s’il est impossible et s’il n’est plus permis d’accuser et de juger l’individu, cette pauvre vague dans le flot nécessaire du devenir, — eh bien ! que ce soit le flot lui-même, le devenir, que l’on considère comme coupable : car là il y a libre arbitre, là on peut accuser, condamner, expier et faire pénitence : que ce soit donc Dieu, le pêcheur et l’homme son sauveur : que l’histoire soit à la fois
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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES