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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



337.

L’héroïsme. — L’héroïsme consiste à faire de grandes choses (ou à ne pas faire quelque chose d’une façon grande), sans avoir, dans la lutte avec les autres, le sentiment d’être devant les autres. Le héros porte avec lui le désert et la terre sainte aux limites infranchissables, où qu’il aille.

338.

Double de la nature. — Dans certaines contrées de la nature nous nous découvrons nous-mêmes avec un frisson agréable ; c’est pour nous la plus belle façon d’avoir un double. — Combien doit être heureux celui qui peut avoir ce sentiment, ici même, dans cette atmosphère d’automne sans cesse ensoleillé, sous le souffle malicieux et heureux du vent, qui se prolonge du matin au soir, enveloppé de cette clarté la plus pure et de cette fraîcheur tempérée, et se retrouver dans le caractère riant et sérieux, à la fois, des collines, des lacs et des forêts de ce plateau, qui s’étend sans crainte à côté de l’épouvante de la neige éternelle, là où l’Italie et la Finlande ont formé alliance et semblent être la patrie de toutes les nuances argentées de la nature : — heureux celui qui peut dire : « Il y a certainement beaucoup de choses plus grandes et plus belles dans la nature, mais ceci est étroitement et intimement parent avec moi, j’y suis lié par les liens du sang, par plus encore ! »