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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

cles du corps, personne peut-être ne possédait ces qualités comme lui.

114.

Réalité choisie. — De même que le bon écrivain en prose ne se sert que des mots qui appartiennent à la langue de la conversation, mais se garde bien d’utiliser tous les mots de cette langue — c’est ainsi que se forme précisément le style choisi, — de même le bon poète de l’avenir ne représentera que les choses réelles, négligeant complètement tous les objets vagues et démonétisés, faits de superstitions et demi-franchises, en quoi les poètes anciens montraient leur force. Rien que la réalité, mais nullement toute la réalité ! — bien plutôt une réalité choisie !

115.

Espèces bâtardes de l’art. — À côté des espèces véritables de l’art, celle de la grande tranquillité et celle du grand mouvement, il existe des espèces bâtardes — l’art blasé et avide de repos et l’art agité : les deux espèces souhaitent que l’on prenne leur faiblesse pour de la force et qu’on les confonde avec les espèces véritables.

116.

La couleur manque pour faire le héros. — Les poètes et les artistes véritables du temps présent aiment à appliquer leur peinture sur un fond éclatant de rouge, de vert, de gris et d’or, sur le fond de la sensualité nerveuse : les enfants de ce