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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

régulier dans la vie, à quoi l’on doit seul toute espèce de bien-être : dans le culte de la symétrie, on vénère donc inconsciemment la règle et la belle proportion, comme source de tout le bonheur qui nous est venu ; cette joie est une espèce d’action de grâce. Ce n’est qu’après avoir éprouvé une certaine satisfaction de cette dernière joie que naît un sentiment plus subtil encore, celui d’une jouissance obtenue en brisant ce qui est symétrique et réglé ; si ce sentiment incite, par exemple, à chercher la raison dans une déraison apparente : par quoi il apparaît alors comme une espèce d’énigme esthétique, catégorie supérieure de la joie artistique mentionhée en premier lieu. — Celui qui poursuit encore cette considération saura à quelle espèce d’hypothèses, pour l’explication du phénomène esthétique, on renonce ici par principe.

120.

Pas trop rapproché. — Il y a désavantage pour les bonnes pensées à se suivre de trop près ; elles se cachent réciproquement la vue. — C’est pourquoi les plus grands artistes et les plus grands écrivains ont fait un usage abondant du médiocre.

121.

Brutalité et faiblesse. — Les artistes de tous les temps ont fait la découverte que dans la brutalité réside une certaine force et que celui qui le voudrait ne peut pas toujours être brutal ; de même que certaines catégories de la faiblesse agissent profondément sur le sentiment. On s’est servi