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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

tique, en vue d’arriver à la dignité qui exige la lenteur des mouvements.

144.

Du style baroque. — Celui qui, en tant que penseur et écrivain, sait qu’il n’a été ni créé ni élevé pour la dialectique et le déploiement des pensées, aura involontairement recours à la rhétorique et au style dramatique : car, en fin de compte, il lui importe, avant tout, de se rendre intelligible et de gagner ainsi de la puissance, quelle que soit la façon dont il attire à lui le sentiment, que ce soit sur les routes frayées ou par surprise — comme berger ou comme brigand. Cela èst vrai dans tous les arts, où le sentiment d’un défaut de dialectique ou d’une insuffisance dans l’expression et le récit, allié à un instinct de la forme, dont l’abondance tend à se déverser, engendre cette catégorie du style que l’on appelle style baroque. — Il n’y a d’ailleurs que les gens prétentieux et mal informés chez qui se mot évoquera une idée d’abaissement. Le style baroque naît chaque fois que dépérit un grand art, lorsque dans l’art de l’expression classique les exigences sont devenues trop grandes, il se présente comme un phénomène naturel à quoi l’on assistera peut-être avec mélancolie — parce qu’il précède la nuit —, mais en même temps avec admiration, à cause des arts de compensation, dans l’expression et le récit, qui lui sont particuliers. Il faut noter avant tout le choix du sujet et la donnée d’un extrême intérêt dramatique, où l’on frémit déjà, sans l’aide d’aucun artifice de l’art, parce que le