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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

résonner les airs de flûte orgiastiques d’Olympos[1]qui, au temps d’Aristote, à un moment où la musique était infiniment plus avancée, soulevaient encore un enthousiasme délirant, et dont l’influence première avait certainement attiré dans la voie de l’imitation musicale tous les moyens d’expression poétique des hommes contemporains. Je veux rappeler ici un phénomène actuel, bien connu, et qui semble seulement choquer nos esthéticiens patentés. Il nous arrive tous les jours de constater que, pour traduire l’impression ressentie d’une symphonie de Beethoven, chacun des auditeurs se voit contraint d’employer des phrases imagées, un langage plein de métaphores, que cela soit peut-être parce qu’une interprétation des mondes d’images différents suscités par un morceau de musique se présente sous une apparence d’une très fantastique diversité, et même sous une apparence contradictoire. Il est tout à fait dans la nature de ces esthéticiens d’exercer leur pauvre esprit à railler des comparaisons de ce genre, et de passer sous silence le phénomène qui, seul, mérite réellement d’être expliqué. Oui, même lorsque le musicien a spécifié par des images poétiques le sens de sa composition,

  1. Olympos le jeune (697 av. J.-C), joueur de flûte phrygien qui introduisit dans la pratique musicale l’usage du mode chromatique et auquel on attribue l’invention du mode enharmonique. Ce qui distingue Olympos, c’est qu’il était seulement musicien, alors qu’avant lui, chez les Grecs, tous les musiciens avaient été en même temps poètes. — N. d. T.