Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intacts de la vie, avec des inventions et des artifices toujours nouveaux. L’idéal ascétique est lui-même un de ces moyens : il est donc tout l’opposé de ce que les admirateurs de cet idéal s’imaginent, — en lui et par lui la vie lutte avec et contre la mort, l’idéal ascétique est un expédient de l’art de conserver la vie. S’il a pu à tel point, ainsi que l’indique l’histoire, s’emparer de l’homme et s’en rendre maître, en particulier partout où la civilisation et la démocratisation de l’homme ont été accomplies, il ressort de cette constatation un fait important, l’état morbide du type homme, tel qu’il a existé jusqu’à présent, du moins de l’homme domestiqué, la lutte physiologique de l’homme contre la mort (plus exactement contre le dégoût de la vie, la lassitude, le désir de la « fin »). Le prêtre ascétique est le désir incarné de l’« autrement », de l’« autre part », il est le suprême degré de ce désir, sa ferveur et sa passion véritables : mais c’est la puissance même de son désir qui l’enchaîne ici-bas, qui en fait un instrument travaillant à créer des conditions plus favorables, à ce qui est homme ici-bas, — et c’est précisément par cette puissance qu’il attache à la vie tout le troupeau des manqués, des dévoyés, des disgraciés, des malheureux, des