Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


368.

Les artistes ne sont pas les hommes de la grande passion, quoi qu'ils s'imaginent et quoi qu'ils nous disent. Et ceci pour deux raisons: ils manquent de pudeur devant eux-mêmes (ils se regardent vivre, ils se guettent, ils sont curieux d'eux-mêmes) et ils manquent aussi de pudeur devant la grande passion (ils veulent l'exploiter en tant qu'artistes) Mais, en second lieu, leur vampire, leur talent, jalouse généralement de pareils gaspillages de force que l'on appelle passion. - Avec du talent, on est aussi la victime de son talent: on vit sous le vampirisme de son talent. -

On n'en a pas fini de sa passion lorsqu'on en fait l'exposé, bien au contraire, on l'expose seulement quand on en a fini. (Goethe enseigne qu'il en est autrement; mais il semble qu'il voulut ici se mal comprendre lui-même, - par délicatesse... )

369.

Comparé à l'artiste, l'apparition de l'homme scientifique est en effet le signe d'un certain endiguement, d'un certain abaissement du niveau de la vie ( - mais aussi d'un renforcement, d'une plus grande sévérité, d'une plus grande dureté, d'une plus grande force de volonté).

En quel sens la duplicité, l'indifférence à l'égard du vrai et de l'utile peuvent être chez les artistes