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LE CAS WAGNER


Ici, nous nous permettons une question. En admettant que cela fût vrai, serait-ce, par cela même, désirable ? — Qu’advient-il du « Juif errant » qu’une femme adore et fixe ? Il cesse tout simplement d’être éternellement errant ; il se marie, il n’a plus d’intérêt pour nous. — Interprétons cela par la réalité : le danger pour l’artiste, pour l’homme de génie — et ce sont eux les Juifs errants — le danger réside dans la femme : les femmes aimantes sont leur perte. Presque personne n’a assez de caractère pour ne pas se laisser corrompre — « sauver », quand il se sent traité comme un dieu, — il condescend aussitôt jusqu’à la femme. — L’homme est lâche devant tout ce qui est éternellement féminin : c’est ce que savent les petites femmes. — Dans beaucoup de cas d’amour féminin, et peut-être précisément dans les plus célèbres, — l’amour n’est autre chose qu’un parasitisme plus raffiné, un moyen de se nicher dans une âme étrangère, parfois même dans une chair étrangère — hélas ! combien souvent au dépens de l’hôte ! ——

On connaît le sort de Gœthe dans cette Allemagne puritaine aux allures de vieille fille. Il fut toujours un scandale pour les Allemands, il n’eut d’admiratrices sincères que parmi les Juives. Schiller, le « noble » Schiller qui leur rebattait les oreilles avec de grands mots, — celui-là fut l’homme selon leur cœur. Que reprochaient-ils donc à Gœthe ? La Montagne de Vénus et le fait d’avoir écrit des épigrammes vénitiennes. Déjà Klopstock lui prêcha la morale ; il y eut un temps où Herder, lorsqu’il parlait de Goethe, employait le mot « Priape ». Même Wilhelm