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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


que l’homme peut vivre parfois de fruits, que les plantes fleurissent au printemps et se fanent en automne. Pour ce qui en est de cette richesse étrange de rites, de symboles, de mythes d’origine orgiaque dont le monde antique pullule littéralement, Lobeck n’y trouve que prétexte à être plus spirituel encore d’un degré. « Les Grecs, dit-il (Aglaophamus, I, 672), lorsqu’ils n’avaient pas autre chose à faire, se mettaient à rire, à sauter et à trôler, ou bien, parce que l’envie peut également en venir à l’homme, ils se mettaient par terre à pleurer et à se lamenter. D’autres s’approchaient alors d’eux pour trouver une raison quelconque à ces allures surprenantes ; et ainsi se formèrent, pour expliquer ces usages, d’innombrables légendes, des fêtes et des mythes. D’autre part on croyait ces actions burlesques que l’on avait pris l’habitude de pratiquer aux fêtes nécessaires à leur célébration et on les maintint comme une partie indispensable du culte. » — Voilà un bavardage méprisable et je suis certain que pas un instant on ne prendra un Lobeck au sérieux. Nous sommes bien autrement touchés quand nous examinons l’idée « grecque » que s’étaient formée Winckelmann et Gœthe et que nous reconnaissons son incompatibilité avec cet élément d’où naît l’art dionysien — avec l’orgiasme. Je suis en effet certain que Gœthe aurait exclu, par principe, une idée analogue des possibilités de l’âme grecque. Par conséquent Gœthe ne comprenait pas les Grecs. Car ce n’est que par les mystères dionysiens, par la psychologie de l’état dionysien que s’exprime la réalité fondamentale de l’instinct hellénique — sa « volonté de vie ». Qu’est-