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L’ANTÉCHRIST


nant interprètent tout le bonheur comme une récompense, tout le malheur comme une punition de la désobéissance envers Dieu, comme un « péché », devient cette manière, la plus mensongère de toutes, d’interpréter une prétendue « loi morale », renversant, une fois pour toutes, la conception naturelle de « cause » et d’« effet ». Lorsque, au moyen de la récompense et de la punition, on a chassé du monde la causalité naturelle, on a besoin d’une causalité contre nature, et maintenant succède tout le reste de ce qui est contraire à la nature. Un Dieu qui demande, — au lieu d’un Dieu qui conseille, qui est, en somme, l’expression de toute inspiration heureuse du courage et de la confiance en soi… La morale, non plus l’expression des conditions de vie et de développement d’un peuple, non plus son instinct vital le plus simple, mais une chose abstraite, contraire à la vie, — la morale, perversion systématique de l’imagination, le « mauvais œil » pour toutes choses. Qu’est-ce que la morale juive, qu’est-ce que la morale chrétienne ? Le hasard qui a perdu son innocence ; le malheur souillé par l’idée du « péché » ; le bien-être un danger, un « tentation » ; le malaise physiologique empoisonné par le ver rongeur de la conscience…

26.

La notion de Dieu faussée ; la notion de la morale faussée : — la prêtraille juive n’en resta pas là. On ne pouvait pas se servir de toute l’histoire d’Israël : on s’en débarrassa. Les prêtres réalisèrent cette merveille de falsification dont une grande partie de la