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L’ANTÉCHRIST


Le prêtre, lui aussi, sait comme n’importe qui, qu’il n’y a plus de « Dieu », plus de « péché », plus de « Sauveur », — que le « libre arbitre », « l’ordre moral » sont des mensonges : — le sérieux, la profonde victoire spirituelle sur soi-même ne permettent plus à personne d’être ignorant sur ce point… Toutes les idées de l’Église sont reconnues pour ce qu’elles sont, le plus méchant faux monnayage qu’il y ait, pour déprécier la nature et les valeurs naturelles ; le prêtre lui-même est reconnu pour ce qu’il est, la plus dangereuse espèce de parasite, la véritable tarentule de la vie… Nous savons, notre conscience sait aujourd’hui —, ce que valent ces inquiétantes inventions des prêtres et de l’Église, à quoi elles servaient. Par ces inventions fut atteint un état de pollution de l’humanité dont le spectacle peut inspirer l’horreur. — Les idées d’« au-delà », de « jugement dernier », d’« immortalité de l’âme », l’« âme » elle-même, sont des instruments de torture, des systèmes de cruauté dont les prêtres se servirent pour devenir maîtres, pour rester maîtres… Chacun sait cela : et malgré cela tout reste dans l’ancien état de choses. Où donc est allé le dernier sentiment de pudeur, de dignité devant soi-même, si nos hommes d’État eux-mêmes, une espèce d’hommes généralement très francs, foncièrement anti-chrétiens en action, s’appellent aujourd’hui encore des chrétiens et vont à la communion ?… Un jeune[1] prince à la tête de ses régiments, superbe expression

  1. Jeune a été supprimé dans le texte allemand. On comprendra !… — N. du T.