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L’ANTÉCHRIST


emprunté aux Juifs la prudence d’introduire, dans ce cas, l’idée de « Dieu », de « volonté de Dieu », de « révélation divine ». Kant lui aussi, avec son impératif catégorique, se trouvait sur la même voie : ici, sa raison devint pratique. — Il y a des questions où l’homme ne peut pas décider du vrai ou du faux ; toutes les questions supérieures, tous les problèmes de valeur supérieure, se trouvent par delà la raison humaine… Comprendre les frontières de la raison, — cela seul est la véritable philosophie… Dans quel but Dieu donna-t-il à l’homme la révélation ? Comment, Dieu aurait-il fait quelque chose de superflu ? L’homme ne peut pas savoir par lui-même ce qui est bien ou mal, c’est pourquoi Dieu lui enseigne sa volonté… Morale : le « prêtre » ne ment pas, — la question du « vrai » et du « faux » dans les choses dont parlent les prêtres ne permet pas du tout le mensonge. Car, pour mentir, il faudrait pouvoir décider ce qui est vrai. Mais c’est ce que l’homme ne peut pas ; et c’est pourquoi le prêtre n’est que le porte-parole de Dieu. — Un pareil syllogisme de prêtre n’est pas absolument le propre d’un juif et d’un chrétien ; le droit au mensonge et la prudence de la « révélation » appartiennent au type du prêtre, aux prêtres décadents tout aussi bien qu’aux prêtres païens (— païens sont tous ceux qui affirment la vie, pour qui « Dieu » est l’expression grande de l’affirmation de toutes choses). — La « loi », la « volonté de Dieu », le « livre sacré », l‘« inspiration » — des mots qui ne désignent que les conditions nécessaires au pouvoir du prêtre, pour maintenir le pouvoir du prêtre, — ces idées se