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LE CAS WAGNER


soi-même. Cette alternative donne suffisamment à penser : car elle renferme une casuistique sur la valeur des deux hypothèses. « Faux envers nous » : contre cela l’instinct du plus grand nombre proteste — on ne veut pas être trompé — ; quant à moi je préférerais certainement ce type à l’autre (« faux envers soi-même »). C’est là mon goût à moi. — Pour m’exprimer plus clairement à l’usage des « pauvres d’esprit » : Brahms — ou Wagner… Brahms n’est pas comédien. — On peut se faire une idée d’une grande partie des autres musiciens, d’après Brahms. — Je ne dis rien des malins imitateurs de Wagner, par exemple de Goldmark : avec sa Reine de Saba on appartient à la ménagerie, — on peut se faire voir. — Ce qui peut être bien fait aujourd’hui, ce qui peut être fait maîtrement, ce ne sont que les petites choses. Là seulement la loyauté est encore possible. — Mais rien ne peut guérir la musique de son mal fondamental, la fatalité d’être l’expression d’une contradiction physiologique, — d’être moderne. Le meilleur enseignement, l’éducation la plus consciencieuse, l’intimité la plus absolue et même l’isolement dans la compagnie des vieux maîtres — tout cela n’est que palliatif, n’est qu’illusoire, pour parler plus sévèrement, puisque le tempérament ne répond plus aux conditions premières : que ce soit la forte race d’un Hændel ou l’animalité exubérante d’un Rossini. — Chacun n’a pas le droit de se guider d’après chaque maître : cela est vrai pour des époques entières. — Il n’est pas impossible qu’il existe encore quelque part en Europe des restes de races plus fortes, com-