Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/112

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tion du sexe est devenu pour elles idéal vivant. Il est vrai que, d’après les intentions du théâtre, ces voix ne doivent précisément pas donner l’idée de cette catégorie de femmes : généralement elles doivent représenter l’amant masculin idéal, par exemple un Roméo : mais, à juger d’après les expériences que j’ai faites, le théâtre et le musicien qui attendent de pareilles voix pareils effets se trompent régulièrement. On ne croit pas à un tel amant : ces voix d’alto contiennent toujours encore une nuance de quelque chose de maternel et de domestique, et le plus, alors justement, qu’il y a de l’amour dans leur timbre.

71.

De la chasteté féminine. — Il y a quelque chose de stupéfiant et de monstrueux dans l’éducation des femmes de la haute société, oui, peut-être n’y a-t-il même rien de plus paradoxal. Tout le monde est d’accord pour les élever dans une ignorance extrême des choses de l’amour, leur inculquer une pudeur profonde et leur mettre dans l’âme l’impatience et la crainte devant une simple allusion à ces sujets. C’est tout l’ « honneur » de la femme qui est mis en jeu : autrement que ne leur pardonnerait-on pas ! Mais en cela elles doivent demeurer ignorantes jusqu’au fond de l’âme ; elles ne doivent avoir ni regards, ni oreilles, ni paroles, ni pensées pour ce qu’elles doivent considérer comme le « mal » : rien que de savoir est déjà un mal. Et maintenant ! Être lancé comme par un horrible coup