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Page:Nignon - L'heptaméron des gourmets.djvu/26

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matière, l’odorat n’est-il point requis par le subtil parfum qui monte des viandes savamment préparées ? Qu’il me soit permis de rappeler, en témoignage, le départ éploré de Messer Blazius du château où l’on dîne : « Adieu, bouteilles cachetées, fumet sans pareil de venaisons cuites à point » et ces vers sur le melon, savoureusement évocateurs :


Quelle odeur sens-je en cette Chambre ?
Quel doux parfum de Musc et d’Ambre
Me vient le Cerveau resjouir,
Et tout le cœur espanouir ?
Ha bon Dieu ! j’en tombe en extase ;
Ces belles Fleurs qui dans ce Vase
Parent le haut de ce Buffet,
Feroient-elles bien cet effet ?
A-t-on bruslé de la pastille ?
N’est-ce point ce vin qui pétille
Dans le Cristal, que l’Art humain
A fait, pour couronner la main ;
Et d’où sort quand on en veut boire
Un air de Framboise, à la gloire
Du bon terroir, qui l’a porté
Pour nostre éternelle santé ?…
Qu’est-ce-donc ? Je l’ay descouvert
Dans ce panier remply de vert ;
C’est un Melon, où la Nature,
Par une admirable structure,
A voulu graver à l’entour
Mille plaisans chiffres d’Amour…


Mais les yeux pétillent d’aise avant même que de capiteux arômes ne soient venus chatouiller les narines frémissantes de convoitise ! L’ouïe est charmée du grésillement des fritures, du craquètement des beignets qui refroidissent, du chant monotone de la vapeur soulevant le couvercle qui la comprime ! Que