Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/277

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fié sa vie par dévouement, elle est aussi pure que vous : vous êtes dignes de vous comprendre toutes deux.

Malgré les prévenances que lui suggérait son affectueuse tendresse, la jeune religieuse ne s’étonna pas, après le départ de M. de Boutin, de voir la tristesse de Marianne augmenter.

— L’effort a été trop grand, dit-elle au docteur, elle plie sous le faix.

Ce jour-là, M. Rivière et madame Marie demeurèrent longtemps en conférence. Lorsqu’ils se quittèrent, ils avaient tous deux un air de mystérieuse entente.

Cependant l’épidémie ne diminuait pas d’intensité, toutes les infirmières n’en pouvaient plus : Marianne seule résistait.

Nuit et jour sur pied, on l’aurait dite d’acier. Rien ne lassait son dévouement ; toujours grave et indulgente, triste et empressée, on n’entendait que des paroles de consolation s’échapper de ses lèvres.

Cependant, un matin que la supérieure visitait les salles, elle surprit Marianne assise dans un coin, l’œil perdu dans le vague, la figure empreinte d’un découragement sans nom.

Devant cette vivante image du désespoir, ce que les mesquineries de la superstition ou de la bigoterie avaient laissé de cœur dans sa vieille poitrine tressaillit :

— Docteur, dit-elle à M. Rivière qui l’accompagnait, est-ce que vous allez laisser mourir Marianne ? Il me semble cependant que madame Marie-Aimée et vous, deviez la guérir.

Le médecin, soucieux et préoccupé, ne répondit pas.

— Prenez-y garde, continua la religieuse, ce serait une vraie perte pour nous. Elle en a encore pour dix-huit ans, et jamais nous ne retrouverons une sem-