Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/31

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Son abord était glacial et son extérieur tellement froid que, n’ayant attiré personne dans l’intimité de son foyer domestique, personne n’avait osé y pénétrer.

Un seul homme à Roqueberre, M. de Boutin, juge au tribunal de la petite ville, avait ses sympathies. Élevés ensemble, ils étaient liés d’une vieille et solide amitié. Mais M. de Boutin était un original, surtout un misanthrope, qui, même chez son ami d’enfance, ne faisait pas de fréquentes visites.

Donc, à part le juge, M. de Sauvetat avait peu de relations quotidiennes. Sa position, cependant, l’obligeant à recevoir, il le faisait alors d’une manière splendide. Ces jours-là, sa maison s’ouvrait toute grande, ses fêtes avaient une réputation de somptuosité qui n’avait rien d’usurpé, les invitations étaient recherchées et demandées à l’avance.

Mais à part ces rares circonstances et quelques banales réceptions du dimanche, on ne pouvait citer une seule personne admise intimement dans la famille.

La jeune madame de Sauvetat avait accepté la manière de voir de son mari, elle n’avait pas d’amies.

On connaissait donc les faits généraux de ces existences, ceux qui apparaissaient forcément à l’extérieur ou qui mêlaient la famille à des étrangers ; mais de ces mille détails dont on est si friand dans une petite ville, pas un mot ou très peu de chose.

Ce qu’on savait à Roqueberre se bornait à ceci : Blanche d’Auvray, à laquelle appartenait la maison qu’on avait appelée depuis l’hôtel de Sauvetat, s’était mariée à dix-huit ans. Sa mère, veuve de très bonne heure, n’avait vécu que pour sa fille. Elle était morte avant la naissance de l’enfant que madame de Sauvetat attendait, et avec la douleur de ne pouvoir souffrir la