Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/35

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En effet, pendant que madame de Sauvetat, peut-être un peu légère et mondaine, courait les fêtes ou faisait danser chez elle, Marianne, dans un coin retiré de la maison, soignait Marguerite, lui enseignait à bégayer ses premiers mots, à essayer ses premiers pas, la surveillait, assistait à ses leçons, en profitait autant qu’elle, et, sans que personne y prît garde, grandissait avec sa fille d’adoption en grâce et en beauté.

Mais cette beauté, cette grâce indiscutables et sans rivales étaient cependant étranges et mystérieuses, comme sa personne elle-même dont nul ne connaissait l’origine.

Avec des yeux au regard de feu, elle était pour tous d’une froideur de glace, demeurant indifférente à toute chose, excepté à ce qui touchait Marguerite.

En revanche, si cette enfant était l’unique créature qu’elle parût aimer, elle le faisait avec un amour et un dévouement qui touchaient au délire.

Seule au monde, la mignonne avait su trouver le chemin de ce cœur ; mais aussi quels élans n’avait-il pas pour elle !

Quand on parlait de l’enfant ou que la fillette ouvrait la bouche, on voyait le grand œil de Marianne briller, et un éclair de passion sauvage soulevait son sein.

De temps à autre, elle pressait l’enfant dans ses bras, la regardait longuement, et se retournant vers M. de Sauvetat, pendant que deux grosses larmes roulaient sur ses joues :

— Comme elle lui ressemble !… disait-elle.

— C’est vrai ! répondait Lucien en couvrant sa fille de baisers.

Mais le plus souvent il mettait un doigt sur sa bouche et se contentait de murmurer tout bas un chut ! mystérieux.