Page:Nizan - Les Chiens de garde (1932).pdf/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La religion est essentiellement une des plus faciles positions de repli de la pensée bourgeoise. Elle est justement le parti que ne peut absolument pas embrasser la philosophie terrestre de la Révolution : « La religion est la théorie générale du monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spirituel, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification… Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions… L’histoire a donc la mission, une fois que la vie future de la vérité s’est évanouie, d’établir la vérité de la vie présente. Et la première tâche de la philosophie qui est au service de l’histoire consiste, une fois démasquée l’image sainte qui représentait la renonciation de l’homme à lui-même, à démasquer cette renonciation sous ses formes profanes. La critique du ciel se transforme ainsi en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique. »

K. Marx, Contribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Tr. fr., pp. 84-85.


Note N

« C’est une des grandes forces de la bourgeoisie d’avoir su donner à la science un caractère mystérieux, en lui enlevant tout rapport apparent avec la pratique de tous les jours : au lieu de n’être présentée, ce qu’elle est en réalité, que comme la mise en recueil sous une forme générale et par suite mnémotechnique, des observations auxquelles donne lieu le travail quotidien, et des moyens que l’expérience enseigne pour pouvoir résoudre les difficultés qu’engendre la pratique, la science apparaissait comme une chose tout à fait séparée de la vie, un secret gardé jalousement dans un sanctuaire des écoles, et dont seuls, nouveaux prêtres, les bourgeois intellectuels étaient les dépositaires. Le résultat a été excellent pour la domination de la bourgeoisie. Le respect superstitieux pour les « savants » a pénétré toutes les classes de la société y compris et surtout la classe ouvrière. »

R. Louzon, L’ouvriérisme dans les Mathématiques supérieures ; Vie Ouvrière, 5 décembre 1912.