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de la vie humaine. Ce secret fut longtemps perdu.

Le développement des sciences mathématiques, en donnant à une partie essentielle des pensées suivies une rigueur et une impersonnalité étonnantes, a bien pu amener les premiers métaphysiciens de l’âge moderne à concevoir toute méditation sur ce modèle, à croire que les décisions portant sur les valeurs non scientifiques devaient imiter les découvertes de la science la plus exacte. Une généralisation imprudente conduisit à l’illusion de la raison éternelle et à l’amour de la pureté mathématique. Cette illusion éclate chez les plus grands : toute la rigueur démonstrative de l’Éthique apparaît singulièrement impure à la lumière des confessions de la Réforme de l’entendement. La rigueur de la première Critique ne résiste pas à l’examen de la Philosophie du Droit et de la Religion dans les limites de la simple Raison. Il appartient à la critique révolutionnaire de dire pourquoi cette grande illusion a résisté à l’avènement des sciences historiques.

Au nom même de l’histoire, tout philosophe est justiciable des méthodes qui permettent d’approcher la résolution du problème général que voici : comment rendre compte de la qualité d’un homme ? M. Bergson, comme M. Brunschvicg, conclut que la question ne sera pas posée. Il n’y a aucune raison d’accéder au désir de ces Delegorgue de la Philosophie.

Sans doute leurs affirmations sur l’histoire qui suspendent l’histoire peuvent-elles les mettre à l’abri d’attaques qu’ils n’aiment point ; peuvent-elles les dispenser d’aborder les questions vulgaires qui les conduiraient à des conclusions dangereuses pour l’ordre présent qu’ils acceptent et qu’ils aiment. La formule révoltante du procès Zola est l’un des maîtres mots de la pensée bourgeoise. Sans doute ces affirmations leur