Page:Nizan - Les Chiens de garde (1932).pdf/48

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nous presse. Bien qu’il paraisse, encore un coup, scandaleux de traiter la Vie de l’Esprit comme une activité, ou comme une passivité, politiques, de lui demander des certificats comme à un employé qui cherche un emploi. Scandaleux d’appliquer à M. Brunschvicg ou à M. Lalande un type d’attaques qui les sortira de leurs habitudes, qui ne leur étaient pas nommément destiné. Mais ce scandale est aujourd’hui beaucoup plus urgent que l’intuition de la durée, et que la théorie de la dissolution, et que la dialectique du monde sensible et que tout ce Talmud de la fausse histoire. Il est aujourd’hui inhumain de se refuser aux scandales philosophiques : nous aimons mieux les hommes que la Philosophie, si elle nous écarte de leur parti. D’ailleurs la Philosophie a toujours paru scandaleuse à certaines gens lorsqu’elle a ouvertement coïncidé avec des entreprises concrètes. La Sorbonne aura toujours du mal à regarder Marx comme un philosophe, mais non Lachelier et Boutroux, prêtres manqués.

À quoi sert enfin cette philosophie de maintenant qui s’enseigne dans des universités, des écoles et des livres. Ses auteurs disent qu’elle ne sert à rien et qu’elle ne sert personne, ni aucun intérêt temporel, mais seulement le Vrai, l’Humanité et l’Esprit. Ils pensent que, semblable à la poésie, elle ne saurait être utile, au sens bas des politiques, des gens du commun, des gens qui doivent, après tout, faire passer leur vie avant la pensée pure. Cette illusion fut trop longtemps inséparable de l’exercice de la pensée pour qu’ils ne la nourrissent point encore avec une certaine sincérité. Mais il n’y a aucune raison de croire que la Philosophie échappe aujourd’hui aux caractères qui furent toujours les siens,