Page:Noa noa - 1901.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
NOA NOA

— sous les espèces aggravantes encore du snobisme colonial, l’imitation, grotesque jusqu’à la caricature, de nos mœurs, modes, vices et ridicules civilisés.Avoir fait tant de chemin pour trouver cela, cela même que je fuyais !

Pourtant, un événement public m’intéressa.

En ce temps-là, le roi Pomaré était mortellement malade, et, chaque jour, on s’attendait à la catastrophe. Peu à peu, la ville avait pris un aspect singulier. Tous les Européens, commerçants, fonctionnaires, officiers et soldats, continuaient à rire et à chanter dans les rues, tandis que les naturels, avec des airs graves, s’entretenaient à voix basse autour du palais. Dans la rade, un mouvement anormal de voiles orangées sur la mer bleue, avec le fréquent et brusque étincellement argenté, sous le soleil, de la ligne des récifs : c’étaient les habitants des îles voisines, qui accouraient pour assister aux derniers moments de leur roi, — à la prise de possession définitive de leur empire par la France.

Des signes d’en haut les avaient avertis : car, chaque fois qu’un roi doit mourir, les montagnes se tachent de plaques sombres sur certains versants, au coucher du soleil.