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NOA NOA

Elle ajouta tout à coup, après œ silence sensible qui préside à la déduction des pensées :

— C’est ta femme ?

— Oui.

Je fis ce mensonge ! Moi, le tané de la belle Olympia !

Pendant qu’elle examinait curieusement quelques compositions religieuses des Primitifs italiens, je me hâtai, sans qu’elle’me vit, d’esquisser son portrait.

Elle s’en aperçut, fit une moue fâchée, dit nettement :

Aïta (non) !

et se sauva.

Une heure après, elle était revenue, vêtue d’une belle robe, le tiaré à l’oreille. — Coquetterie ? Le plaisir de céder, parce qu’on le veut, après avoir résisté ? Ou le simple attrait, universel, du fruit défendu, se le fût-on interdit soi-même ? Ou, plus simple encore, le caprice, sans autre mobile, le pur caprice dont les Maories sont si coutumières ?

Je me mis sans retard au travail, sans retard et avec fièvre. J’avais conscience que mon examen de peintre comportait comme une prise de possession physique et morale du modèle, comme une sollicitation tacite, pressante, irrésistible.

Elle était peu jolie, selon nos règles d’esthétique.

Elle était belle.

Tous ses traits concertaient une harmonie raphaëllique par