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NOA NOA

semblants d’honneur et d’amour, ainsi qu’aux produits anonymes, hideux et durables, de quelle industrie ! Ils furent sans tristesse, trouvant dans leur sottise-même, dans les complications vaines de leurs destinées et dans les mensonges dont était tissée leur pensée, des motifs de rire inconnus jusqu’alors. Autour d’eux, pourtant, la terre s’attrista.

Dans un climat où les vraies fleurs ne jaillissent guère que du cerveau des hommes, il n’y eut plus de fleurs puisque l’humanité n’en produisait plus, et puisqu’elle avait caché celles de jadis dans l’herbier dur des coffres, Et quand je voulus, pour les rafraîchir et les renouveler, et pour qu’à leur aspect s’allumât dans tous les yeux le désir d’un autre printemps, les agiter dans l’air, ces fleurs de passé, et dans la lumière, je vis qu’elles avaient été corrompues et changées, ô momies devenues ! déshonorées par la nuit, ô dérisoires fleurs maintenant de papier ! par la nuit poudreuse des coffres-forts : — et que mes contemporains sont avares et jaloux de pourriture actuelle destinée à la purification prochaine du feu — de qui tout est venu, à qui tout retournera — pourriture actuelle et future cendre…

Flots, ô forêts, ô fleurs folles d’être vivantes…

Est-ce le passé qui me poursuit ? Dans mes yeux l’empreinte est-elle ineffaçable, des choses subies ? — Les revoilà !