Page:Noailles - L’Ombre des jours, 1902.djvu/167

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Je revois, dans mon cœur, ces soirs doux et rouillés,
Ce fin oscillement du soir, quand l’air bleu nage
Dans le brouillard léger, ondulant et mouillé
Qui monte du pré, blanc de carottes sauvages.

— Crépitement des champs ! tout l’espace est tremblant
De ce bruit incessant de cris secs et d’élytres ;
Le soleil tombe, un dur rayon de soleil blanc
Tape sur la maison en aveuglant les vitres.

On entendait sonner pour l’heure du dîner
La cloche suspendue au mur, dans le feuillage ;
On dînait, de frissons et d’ombre environné,
Avec encor un peu de jour faible au vitrage.

Je regardais la plaine indolente, cherchant
À boire, à respirer les repos de la terre ;
L’impossible union des âmes et des champs
Pleurait dans mon désir aride et volontaire ;