Page:Noailles - L’Ombre des jours, 1902.djvu/53

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Si tu goûtais vraiment la paix en cet endroit,
Tu ne connaîtrais pas la jouissance auguste,
Faite d’espoir, d’appels, de peur, de désarroi.
Que peut, pour ton plaisir, la saison lourde et fruste ?

Écoute ta langueur s’irriter, es-tu sûr
De ne rien désirer que ces herbes paisibles ?
Cueille le blé grenu, bois l’air, mors le fruit sur,
Rien de ces choses n’est à ton vouloir sensible.

Respire cette odeur d’herbage et de cumin,
Sens-tu comme la terre en plein arome nage ?
Si le pré fleurissant avait un cœur humain,
Comme tu guérirais ta tristesse et ta rage.

Ah ! l’échange divin du cœur touchant au cœur,
Le dangereux, suave et subtil sacrilège
D’épancher son tourment, sa fureur, sa douleur,
Et qu’un cœur soit empli de l’autre qui s’allège… »