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la mort dit à l’homme


J’emplirai votre cœur, vos mains et votre bouche
D’un repos si profond, si chaud et si pesant.
Que le soleil, la pluie et l’orage farouche
Ne réveilleront pas votre âme et votre sang.

— Pauvre âme, comme au jour où vous n’étiez pas née
Vous serez pleine d’ombre et de plaisant oubli,
D’autres iront alors par les rudes journées
Pleurant aux creux des mains, des tombes et des lits.

D’autres iront en proie au douloureux vertige
Des profondes amours et du destin amer,
Et vous serez alors la sève dans les tiges
La rose du rosier et le sel de la mer.

D’autres iront blessés de désir et de rêve
Et leurs gestes feront de la douleur dans l’air,
Mais vous ne saurez pas que le matin se lève
Qu’il faut revivre encor, qu’il fait jour, qu’il fait clair.