Page:Noailles - Le Cœur innombrable, 1901.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
fraternité

Les rousseurs du soleil traînent sur la prairie
Où se pressent le trèfle et la menthe fleurie,
Et sur l’air les parfums s’endorment, arrêtés
Dans l’engourdissement bourdonnant de l’Été…
— Tendre sœur des saisons, ô toi la plus sensible,
Voici que ceux dont l’âme est aujourd’hui paisible
Viennent vers la douceur de ta robe de thym :
Leurs regards sont obscurs et leurs cœurs sont éteints,
Ils sont sans allégresse et presque sans envie,
Ayant beaucoup souffert des choses de la vie
Pour gagner sous les lois des hommes assemblés
Leur part de ton raisin et leur part de ton blé…
— Abaisse vers leurs fronts que la tristesse incline
Les pommiers ronds qui font de l’ombre à la colline,
Donne-leur la gaieté vive du vent salin,
De la haie où l’oiseau se loge, du moulin.
Mena vers leur douleur passive et familière
Le parfum de la vigne et des branches fruitières,
Éloigne de leurs pas la rumeur des cités,
Berce-les sur ton cœur odorant, cher été…