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EXALTATION


L’aurore qui renaît dans l’éblouissement,
La nature, le bois, les houles de la rue
M’emplissent de leurs cris et de leurs mouvements ;
Je suis comme une voile où la brise se rue.

Ah ! vivre ainsi les jours qui mènent au tombeau,
Avoir le cœur gonflé comme le fruit qu’on presse
Et qui laisse couler son arôme et son eau ;
Loger l’espoir fécond et la claire allégresse !

Serrer entre ses bras le monde et ses désirs
Comme un enfant qui tient une bête retorse,
Et qui mordu, saignant, est ivre du plaisir
De sentir contre soi sa chaleur et sa force.

Accoutumer ses yeux, son vouloir et ses mains
À tenter le bonheur que le risque accompagne ;
Habiter le sommet des sentiments humains
Où l’air est âpre et vif comme sur la montagne,