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LES ESPACES INFINIS


Et puisqu’il ne faut pas, âme, je t’en conjure,
Aborder cet espace, indolent, vague et dur,
Ce monstre somnolent dilué dans l’azur,
Aime ton humble terre et ta verte nature :

L’humble terre riante, avec l’eau, l’air, le feu,
Avec le doux aspect des maisons et des routes,
Avec l’humaine voix qu’une autre voix écoute,
Et les yeux vigilants qui s’étreignent entre eux.

Aime le neuf printemps, quand la terre poreuse
Fait sourdre un fin cristal, liquide et mesuré ;
Aime le blanc troupeau automnal sur les prés,
Son odeur fourmillante, humide et chaleureuse.

Honore les clartés, les senteurs, les rumeurs ;
Rêve ; sois romanesque envers ce qui existe ;
Aime, au jardin du soir, la brise faible et triste,
Qui poétiquement fait se rider le cœur.

Aime la vive pluie, enveloppante et preste,
Son frais pétillement stellaire et murmurant ;
Aime, pour son céleste et jubilant torrent,
Le vent, tout moucheté d’aventures agrestes !