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VISITE A LA CATHÉDRALE DE REIMS


– Je t’ai vue, ô beauté que rien n’a pu flétrir,
Plus tourmentée et plus savante,
Sans doute fallait-il que tu saches souffrir
Pour que ta pierre fût vivante.

Vivante et délicate, et pareille à la chair,
Inspirant l’amour et les larmes
Quand le vol des oiseaux et l’azur d’un soir clair
Te traversent comme des armes.

On ne sait plus quel vent soufflant d’un ciel affreux
A pris ton noble corps pour cible,
A fané ton portail suave et rigoureux.
Et t’a faite enfin si sensible !

Ô face fatiguée et calme, grand témoin
Des sacres, des fléaux, des âges,
L’univers te louait, mais le cœur t’aimait moins
Quand tu n’avais pas ce visage,

Ce visage aplani, résistant, consentant,
Qui, montrant les os de sa face,
Sait bien que sa beauté, fille altière du temps,
A la profondeur pour surface !