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LE CHANT DU FAUNE

Jamais je n’oublierai ton esprit consolé,
Ce tranquille regard possesseur du mystère,
Et cette pesanteur muette et solitaire
Qui s’emparait soudain de ton être comblé.

Autrefois, tu semblais exemplaire et secrète,
L’animale lueur ne brillait point en toi.
Je saurai désormais que ton ardeur est prête
À conquérir la paix qui succède à l’effroi.

Jamais plus tu n’auras ta pudique tristesse,
Cet innocent ennui qui parait ta beauté,
Cette errante stupeur que la nature oppresse»
Qui recherche l’espace et non la volupté !

Certes, ma passion pour ta jeunesse heureuse
Avait le pourpre éclat du flamboyant pavot,
Le harcelant soupir de la mer écumeuse,
Le fier hennissement matinal des chevaux ;

Mais ne pouvais-tu donc contrarier sans cesse
Ma colère sans fiel qui ne te nuisait pas ?
M’aimais-tu ? Je ne sais. Tes grondantes caresses
Mordaient à l’univers en enlaçant mes bras.