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CE REGARD EST LE TIEN…


Ce regard est le tien, et tu sais que j’en souffre
Parce qu’il est lui-même, et parfois tu voudrais
Savoir comment tes yeux possèdent le secret
De me faire osciller comme au-dessus d’un gouffre,
Par un mystérieux et délectable attrait…

Tu t’amuses, malgré ta gravité native,
À sentir ma détresse en hâte se mouvoir
Entre tous les aimants de ta grâce incisive.
Tu portes en riant cet injuste pouvoir.
Tu sais, sans le comprendre, et demeurant modeste,
Que je suis la victime insigne de ce choix
Que la nature fait pour nous, cruelle et preste :
Ensuite il faut subir l’amour qui nous échoit.
— Et, bien que nous soyons rapprochés par nos rêves,
Par nos mains, par nos voix, nos désirs et nos pas,
Nous sommes étrangers à l’instant où se lève.
Sans effort, dans tes yeux, tel un chant triste et bas,
Ce beau regard de toi que tu ne connais pas…