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LES MORTS POUR LA PATRIE

Ils ont rendu la nue épique et surhumaine ;
L'espace, imprégné d’eux, perpétue et ramène
Leurs souffles, leurs regards et leurs fiers mouvements.
Ils ne sont plus des corps, ils sont des éléments.
Ils nous laissent la mort restreinte et solitaire,
L'angoisse de descendre, amoindris, sous la terre :
C'est par la solitude et son manque d’amour
Qu’il est dur de quitter la lumière du jour !
Nous, dans notre agonie anxieuse et chétive,
Nous saurons qu’il est vain que l’on meure ou qu’on vive,
Puisque, pendant des jours et des nuits, les combats
Jetaient de jeunes corps qui ne murmuraient pas.
Mais eux, foule héroïque éparse dans la brise,
Cavalcade emportée, escadrons, pelotons,
Ils ont cerclé l’azur d’une immortelle frise
Qui fait à l’univers un sublime fronton !

Les mondes périront avant qu’ils ne périssent.

Mourants, nous envierons leur turbulent destin,
Nous dirons, en songeant à leur grand sacrifice :
L'azur brillait, c’était quelquefois le matin
Quand il fallait partir au feu ; le frais feuillage
Se mouvait comme l’eau drainant ses coquillages.
Il voyait s’éveiller le doux monde animal.
L'odeur de la fumée et du chaume automnal