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QUOI ! JE ME PLAINS DE TOI…


Que nous ferions ensemble, et jusqu’au bout des âges,
Le studieux trajet
Pour quoi le sort m’avait accordé le courage
Et tout l’amour que j’ai !

D’où vient cette pensive et triste acrimonie
Qui s’irrite en mon sang,
Quand je songe qu’un jour, de ta course infinie,
Mes yeux seront absents ?

— Ce matin j’ai revu l’irruption joyeuse
De ton brusque printemps :
Chaque bourgeon dardait sa sève curieuse
Comme un regard pointant.

La neige avait encore, étincelante et nette,
Sur le gazon laissé
En touffes de cristal ses froides pâquerettes
Et ses astres glacés.

Mais déjà les bourgeons montraient sur chaque branche
Ce gonflement frisé
Qui témoigne qu’en jets de fleurs roses ou blanches
Leur nœud va se briser.