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LE DÉPART

D’un pays enchaîné hélant sa délivrance
Eut troublé ces soldats qui prolongeaient la France,
Oubliant qu’ils étaient d’abord obéissants,
Ils bondirent, jetant comme un cadeau leur sang !

— Quel appel, quel aimant mystérieux, quel ordre
Vainquit leur discipline, inspira leur désordre,
D’où battait ce lointain, vague et puissant tambour ?
— C’est que Rapp à Colmar et Kléber à Strasbourg,
Kellermann à Valmy, Fabert à Metz, et blême
De n’avoir pu sauver tout son pays lui-même,
Ney, qui voulait sur soi engloutir les combats,
Desaix, Marceau, Lassalle, — et vous aussi, Lebas,
Et Saint-Just, vous aussi ! — ô fiers énergumènes
Dont les plumets flambants sont pris chez le fripier,
Qui déchaussiez la nuit l’étranger qu’on amène.
Pour que la jeune armée eût des souliers aux pieds, –
C’est que tous les aïeux s’éveillant dans les plaines
Entonnèrent un chant, longuement épié !
C’est que, debout, dressés dans leur forte espérance,
Ces héros offensés qui rêvaient à la France
Sur le socle de bronze où le temps met les dieux,
Leur firent signe avec la fixité des yeux !
Soldats de dix-neuf cent quatorze, à quelle porte
Se ruait votre alerte et fougueuse cohorte ?