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LES SOIRS DE CATANE


Catane languissait, éclatante et maussade ;
Le laurier-rose en fleurs du jardin Bellini
Portait un poids semblable à de pourpres grenades ;
C’était l’heure où le jour a lentement fini
De harceler l’azur qu’il flagelle et poignarde.
Les voitures tournaient en molle promenade
Sous le moite branchage aux parfums infinis…

On voyait dans la ville étroite et sulfureuse
Les étudiants quitter les Universités ;
Leur figure foncée, active et curieuse,
Rayonnait de hardie et fraîche liberté
Sous le fléau splendide et morne de l’été…

Bousculant les marchands de fruits et de tomates,
Encombrant les trottoirs comme un torrent hâtif,
Les chèvres au poil brun, uni comme l’agate,
Dans ce soir oppressant et significatif,
Fixaient sur moi leurs yeux directs, où se dilate
Un exultant entrain satanique et lascif.