Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
un soir à vérone


Hélas ! tu le savais, qu’il n’est rien sur la terre
Que l’invincible amour, par les pleurs ennobli ;
Le feu, la musique, la guerre,
N’en sont que le reflet pâli !

— Ma sœur, ton sein charmant, ton visage d’aurore,
Où sont-ils, cette nuit où je porte ton cœur ?
La colombe du sycomore
Soupire à mourir de langueur…

Là-bas un lourd palais, couleur de pourpre ardente,
Ferme ses volets verts sous le ciel rose et gris ;
Je pense au soir d’automne où Dante
Écrivit là le Paradis ;

La céleste douceur des tournantes collines
Emplissait son regard, à l’heure où las, pensifs,
Les anges d’Italie inclinent
Le ciel délicat sur les ifs.

Mais que tu m’es plus chère, ô maison de l’ivresse,
Balcon où frémissait le chant du rossignol,
Où Juliette qui caresse
Suspend Roméo à son col !