Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/193

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— Aérienne idylle, envolement d’airain,
La cloche au chant naïf du couvent franciscain
Répond au tendre appel de la cloche des Carmes.
L’olivier, argenté comme un torrent de larmes,
Imite, en se courbant sous les placides cieux,
L’humble adoration des cœurs minutieux…
— Quel vœu déposerai-je en vos mains éternelles,
Sainte antiquité grecque, ô Moires maternelles ?
Déjà bien des printemps se sont ouverts pour moi.
Au pilier résineux de chacun de leurs mois
J’ai souffert ce martyre enivrant et terrible,
Près de qui le bonheur n’est qu’un ennui paisible…
Je ne verrai plus rien que je n’aie déjà vu.
Je meurs à la fontaine où mon désir a bu :
Les battements du cœur et les beaux paysages,
L’ouragan et l’éclair baisés sur un visage,
L’oubli de tout, l’espoir invincible, et plus haut
L’extase d’être un dieu qui marche sur les flots ;
La gloire d’écouter, seule, dans la nature
L’universelle Voix, dont la céleste enflure
Proclame dans l’azur, dans les blés, dans les bois,
« Âme, je te choisis et je me donne à toi, »
Tout cela qui frissonne et qui me fit divine,
Je ne le goûterai que comme un front s’incline
Sur le miroir, voilé par l’ombre qui descend,
Où déjà s’est penché son rire adolescent…
— Mais la fougueuse vie en mon cœur se déchaîne :